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Frères au Détroit - Concours de Poésie Musée Delacroix
Frères au Détroit
D’après « Deux guerriers grecs dansant » d’Eugène Delacroix
Dès l’aube sereine aux abords du BosphoreLe cliquetis des yatagans frémit dans l’air
Car sans partages klephtes et janissaires
En même lieux que d’antiques doryphores
Pour prendre une liberté sacrée s’escriment,
Poudres et fers peinent à masquer le son d’un duel
De mots tranchants mêlant l’estoc et l’homélie
Par deux Grecs en dialectes de Roumélie
L’un : « C’en est fait de de tes troupes, cruel,
Céans la Sublime Porte paye ses crimes
Dont le premier est d’avoir ravi l’engeance
De ma famille du seul fait de leur millet
Pour mon frère arraché à son sein et son lait
J’obtiendrai sur toi mon désir de vengeance ! »
L’autre l’empoigne d’une main martyriale
Pleurant d’un souffle court : « J’ai parcouru les eaux
De l’Abyssinie en Raguse baroque
Ni soleil de Chaldée, ni neige du Maroc
N’ont effacé en moi la douceur du berceau
Verserons-nous un sang de chair familiale ?
Tu es tueur de Turcs et moi briseur de Christ
J’aime par-delà ma vie la maison d’Osman
Bien que des souvenirs de mon enlèvement
Aient troublés ma foi et rendu mon cœur triste,
Bientôt les bachibouzouks puis les spahis
D’autres mamelouks aux armures de couleurs
Rappelés depuis la pléthore de provinces
Débarqueront avec ordre qu’on évince
Vos chants de victoire dans des cris de douleur,
Frappe donc ce frère que le destin trahit ! »
D’un bond l’arme tombe d’un corps extatique
Au buste tournoyant sur la cadence
D’un bal fou : « -Te souviens-tu de cette dance
Que Père tenait de ces derviches mystiques
Peuplant la Galilée et encore au-delà ? »
« -Qu’il nous mimait sitôt le coucher des astres ! »
« -Plus rien n’a d’importance nous deux réunis
Je veux bien que l’on me batte ou m’excommunie
Si deux âmes peuvent survivre au désastre… »
D’une voix commune : « -Nous serons ces deux-là ! »
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